Projet de loi : la filière CBD française en danger
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Le vent tourne pour les acteurs du CBD en France — et pas dans la bonne direction. Alors que le projet de loi de finances poursuit sa route à l’Assemblée nationale, le monde du chanvre bien-être retient son souffle. Une double menace fiscale et réglementaire plane sur la filière : taxe digne du tabac et restriction des circuits de vente. Résultat : producteurs, boutiques spécialisées et consommateurs voient l’avenir s’assombrir.
Un choc fiscal qui secoue tout le secteur
Alors qu’on pensait la filière enfin sortie du flou réglementaire, la voilà replongée dans la tourmente. Depuis le 20 octobre, le projet de loi de finances 2026 sème l’inquiétude parmi les producteurs et revendeurs de CBD. Deux articles en particulier pourraient faire vaciller un secteur en pleine expansion.
Arthur Gallien-Gy, producteur en Côte-d’Or depuis 2022, ne cache pas sa colère :
« Si c’est adopté, c’est fini, je change de métier. »
Un sentiment partagé dans tout le pays. Passée de 30 exploitations en 2019 à plus de 1 000 aujourd’hui, la filière CBD représente bien plus qu’un marché de niche. C’est une branche agricole et artisanale à part entière, aujourd’hui menacée de disparition par une réforme aux allures de retour en arrière.
Deux mesures qui font trembler la filière
1. Une taxe façon tabac
L’article 23 du projet de loi de finances 2026 prévoit d’instaurer un droit d’accise de 25,7 % sur les produits à base de CBD destinés à être fumés. En clair, une fleur de CBD serait taxée comme une cigarette. Une absurdité pour beaucoup d’acteurs du secteur, puisque le CBD n’a ni les effets, ni les risques sanitaires du tabac.
Officiellement, cette mesure vise à « encadrer la consommation ». Mais en réalité, elle pourrait étouffer les petits producteurs et commerçants déjà fragilisés.
2. Une distribution sous monopole
Deuxième coup dur : l’article L.3513-18-2 du Code de la santé publique réserverait la vente de CBD à fumer aux seuls bureaux de tabac et établissements agréés.
Autrement dit : fin des ventes dans les marchés, foires ou CBD shops, et interdiction pour les producteurs de commercialiser directement leurs récoltes. Les fleurs devraient même transiter par des entrepôts douaniers, comme le tabac industriel.
« Il ne restera peut-être qu’une quinzaine de producteurs capables de survivre », prévient Arthur Gallien-Gy.
Sur le terrain : colère et désarroi
Dans les CBD shops, c’est la stupeur.
« Je suis sous le choc. J’ai construit une clientèle fidèle, et on m’annonce que je vais peut-être devoir fermer », déplore Djamel Bousdassi, gérant de Green Experience à Dijon.
Même constat pour Julien Guigues, co-fondateur des Fleurs de Jeanne :
« Si le texte passe, on peut dire adieu à notre magasin. »
Les fleurs et résines représentent la majeure partie des ventes, et leur interdiction reviendrait à condamner des centaines de commerces indépendants. Quant aux consommateurs, ils risquent de se tourner vers les bureaux de tabac, où la qualité, le conseil et la traçabilité sont loin d’être garantis.
Une filière entière menacée
Avec 850 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel et 35 000 emplois selon l’AFPC, la filière CBD est devenue un véritable pilier économique.
Pour Hugo Bessenay Prolonge, responsable des affaires publiques à l’Association Française des Producteurs de Cannabinoïdes :
« Ce projet de loi risque de tuer une filière agricole entière et de livrer le marché au Big Tobacco. »
Un constat d’autant plus alarmant que les auteurs du texte reconnaissent eux-mêmes ne pas disposer de données précises sur la dangerosité du CBD. Malgré cela, ils assimilent les fleurs de chanvre fumées au tabac, responsable de plus de 75 000 décès par an.
Une régulation ou une élimination déguisée ?
Les professionnels du CBD ne rejettent pas l’idée d’une régulation — ils la demandent depuis des années. Mais ils dénoncent une réforme injuste et déséquilibrée, qui favorise les grands groupes au détriment des circuits courts et des petits producteurs.
La filière ne compte pas se laisser faire. Jusqu’au 23 décembre, date butoir pour le vote, syndicats et collectifs prévoient mobilisations, campagnes de sensibilisation et actions de terrain.
L’objectif : faire entendre la voix d’un secteur en plein essor, qui refuse de disparaître dans l’indifférence.
En conclusion
À travers cette réforme, c’est bien plus que le CBD qui est en jeu : c’est tout un modèle agricole et artisanal fondé sur la transparence, la proximité et l’innovation.
Tandis que les lobbies du tabac pourraient en profiter, les producteurs, eux, continuent d’espérer un sursaut politique.
Le message est clair : le CBD n’a pas fini de se battre pour sa place dans le paysage français.